À propos du désir…

Depuis le début de ma formation, je m’interroge sur mon désir d’être art-thérapeute. C’est un travail de réflexion personnelle mais aussi un point que j’ai souvent abordé en supervision. J’ai besoin d’être claire sur ce désir qui induit la dynamique des séances.

« Ainsi cet homme, comme tout homme qui désire, désire ce qui n’est ni présent, ni disponible, ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas, ce qui lui manque ; et c’est bien là, nous l’avons vu, l’objet de tout amour et de tout désir ». Platon, Le Banquet (201e).

Le désir, à la source, naît de l’écart entre le besoin et la demande. C’est parce que le besoin a été assouvi, donc transformé en réponse satisfaisante, qu’il se change en désir. Désirer, c’est accepter la coupure afin de rétablir un état de satisfaction (la coupure, c’est la séparation d’où naît le manque). Le désir passe par le langage, Lacan propose de définir le désir par une citation d’Hegel : « Le désir de l’homme, c’est le désir de l’Autre ». Le désir humain a pour seul objet le désir de l’Autre dans une demande de reconnaissance. Nous désirons être désirés par autrui, le désir est intimement lié à la demande de reconnaissance d’autrui. Cette vérité s’applique au désir inconscient, le désir n’est pas par principe relié à un objet réel mais cherche à s’exprimer dans le fantasme, il est inséparable de la demande. Le désir se manifeste sur des objets différents, si je désire un objet, je désirerai aussi ceux qui lui ressemblent ou qui lui sont liés par tout autre lien, parce qu’ils me rappellent cet objet. Le désir par essence est manque, il est douleur, il est créateur et producteur de sens, d’objet. Il nous faut assumer, accepter l’état de manque pour désirer. Aussi, nous ne reconnaissons pas forcément notre désir…

Références :

Joël Dor – introduction à la lecture de Jacques Lacan – Denoël 2002.

Parlêtre, par lettre

Lacan emploi, pour citer l’individu porteur du sujet de l’inconscient en tant que divisé, dans son langage et dans son corps, le nom de parlêtre. Le sujet est porteur d’un manque à être, il est pris dans un réseau de signifiants. Je dis parlêtre, et j’entends aussi par lettre, ce qui pourrait indiquer que l’homme s’exprime par la lettre. Il relève de l’instance de la lettre c’est à dire de la culture, il s’exprime par l’écrit, par le faire, par le corps.
Lacan énoncera « Je parle sans le savoir. Je parle avec mon corps et ceci sans le savoir. Je dis donc toujours plus que je ne sais. » ce qui renvoie à la notion de symptôme, un savoir inconscient qui se manifeste, les effets du réel qui s’expriment dans la jouissance par un nouage entre le corps et l’inconscient, ce symptôme d’adresse à quelqu’un. Lacan inventera le parlêtre pour dire que la jouissance accompagne le sujet de l’inconscient.
Le parlêtre véhicule lalangue qui constitue un bouillon sonore qui n’existe que comme parlé, donc aussi entendu, lalangue s’exerce dans la jouissance sonore. Le parlêtre ajoute à l’inconscient sujet du désir, la parole n’est pas parole morte, elle véhicule le désir et la jouissance. Le terme de parlêtre convoque un savoir insu qui s’articule dans la parole par le verbe.
Cela permet de faire le lien avec l’art-thérapie, le parlêtre est un être d’expression singulière qui peut se laisser entre-apercevoir dans une relation tranféro-contre-transférentielle. L’espace d’art-thérapie est le lieu où le corps, lalangue, la parole peuvent s’exprimer avec singularité dans un cadre contenant. L’espace d’art-thérapie accueille chaque parlêtre avec son mode singulier porteur de sa jouissance. L’art-thérapeute peut être le dépositaire de ce symptôme véhiculé par le patient, et il est même parfois supposé être à l’origine de la souffrance du patient.

Références :

Colette Soler – Du parlêtre – L’en je lacannien – 2/2008. Cairn.info.
Cartel : Monique Amirault, Serge Cottet, Claude Quénardel, Marie-Hélène Roch, Pascal Pernot (plus-un). Rédacteur : Pascal Pernot – Du sujet de l’inconscient au parlêtre.

Dynamique des séances d’art-thérapie

La dynamique des séances d’art-thérapie, c’est la quête du sujet qui se révélera après-coup. Pour que cela puisse se produire, l’art-thérapeute offre un espace de sécurité qui permet à l’individu de s’exercer dans des associations libres d’éléments mis à sa disposition, selon son désir de l’instant. L’art-thérapeute devra se tenir à la hauteur de ses actes, de ses paroles, il s’investira dans sa capacité d’engagement à soutenir le transfert, pour cela il devra toujours réinventer et se mettre à l’écoute.
L’art-thérapie propose d’apprendre à faire avec ce que l’on est, le patient apprend à faire avec ce qu’il est, et l’art-thérapeute aussi. L’art-thérapeute s’interroge sur tout ce qui peut advenir et dans ce qu’il peut écouter chez l’autre. Il écoute aussi les réponses qu’il apporte et essaie de les analyser. Si l’art-thérapeute prend conscience des liens intrapsychiques qui agissent dans la relation avec l’autre, il peut alors tenter de proposer d’autres réponses que celles attendues. L’écoute est génitrice d’événements, elle permet une mobilité stucturante. Le transfert lacanien s’inscrit dans le langage et le savoir, le patient attribue à l’art-thérapeute un supposé savoir sur le bricolage avec la vie, et il devra se mettre au travail afin de sortir de cette position.

Références :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.

Le stade du miroir

A découvrir…

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Bobby Neel Adams – FamilyTree

Le travail de Bobby Neel Adams dans la série Family Tree (arbre généalogique). Le photographe vient superposer les portraits de deux membres d’une même famille (père-fils, mère-fille, voire père-fille, mère-fils) de façon à mettre en exergue l’hérédité physiologique. Le résultat est des plus saisissant et me fait penser à l’identification (se reconnaître comme dans un miroir) et à la projection (faire endosser ses sentiments) sur L’Autre.

Voir la série familytree

Une art-thérapie humaniste

« Je ne détiens aucune vérité sur le sujet de l’art-thérapie, seulement des certitudes. Et lorsque mes certitudes se muent en incertitudes, je me remets en question et au travail (…)
Mon art-thérapie est une art-thérapie humaniste, utilisant des médiateurs artistiques ou culturels avec une seule finalité le soin, et comme objectif de redonner sens, une dynamique (élan vital) et tout simplement le goût de vivre. »

Par Jean-Louis Aguilar, praticien en art-thérapie, praticien en médiation corporelle et relaxation, président de l’association de recherche en art et thérapie (ARAT).

Le blog de l’ARAT.

À propos du transfert

L’art-thérapie prend comme point de départ la création d’un sujet autour d’un réel. L’individu est créatif, il ne le sait pas toujours, mais pour composer avec ce que la vie lui propose, il lui a fallu être créatif. L’art-thérapie va permettre à l’individu de bricoler pendant les séances, il va inventer des formes de solutions, les tester afin de les faire siennes, ensuite il pourra peut-être les utiliser en dehors.
Pour que cela puisse se produire, l’art-thérapeute offre un espace qui permet à l’individu de s’exercer dans des associations libres d’éléments mis à sa disposition, selon son désir de l’instant.
La psychanalyse, pour Jacques Lacan, touche à ce qui vient du dehors, aux signifiants. Seul le langage de l’inconscient ouvre à une certaine connaissance de soi. Les manifestations et l’identification de l’inconscient permettent de retrouver du langage et du sens. Les demandes, les souhaits, les obsessions, les répétitions, les hésitations, les besoins, les actes… sont comme autant de langages à observer pour ouvrir l’espace propice à une nouvelle façon de communiquer. Le sujet est articulé par ce langage dont il n’a que peu de maîtrise, il peut se déployer au centre d’un autre regard. Son langage le signifie, parle de lui à son insu. Toutes les expressions du sujet le structurent et sécrètent sa vérité. Ainsi Lacan incite à être attentifs aux signifiants qui donnent un accès au cœur du sujet, au cœur de son désir.
Nasio dira que l’inconscient relie et noue les êtres, dans une relation de transfert bien établi. L’inconscient se révèle dans un acte inattendu, un signifiant qui annonce le sujet de l’inconscient qui peut dire sa vérité. Il est indispensable qu’un autre sujet écoute, et reconnaisse la portée de l’inconscient.

Références :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.
Nasio JD – Cinq leçons sur la théorie de Jacques Lacan – Petite bibliothèque Payot -1992.
Franck Chaumont – La loi, le sujet et la jouissance – Éditions Michalon – 2004.