Archives pour la catégorie Jacques Lacan

Une saison chez Lacan – Pierre Rey

« Je me ruai dans une librairie pour acheter les Écrits. J’eus beau les parcourir toute la nuit, je n’y compris absolument rien. En apparence, Lacan utilisait pourtant les mots de tout le monde, mais la façon dont il truffait le contexte à des places énigmatiques leur conférait une connotation ambigüe qui rendait évanescent le sens de la phrase, privée soudain de ses automatismes ordinaires.
L’alternative était simple : ou j’étais stupide, ou ces textes relevaient du pur délire.
(…) Dès qu’il s’agit de langage, unique bien commun reçu en partage de naissance, chacun s’imagine que la faculté de s’exprimer donne le droit de comprendre et que l’accès au son débouche obligatoirement sur celui du sens. » Pierre Rey

Il est vraiment difficile d’avoir accès aux écrits de Lacan, nul doute sur ce fait, Pierre Rey décrit avec précision ce que l’on ressent quand on commence à se pencher sur cette expérience.
Cependant, beaucoup d’auteurs (Nasio, Chaumon, Dor…) nous aident à saisir les codes de cette nouvelle langue, et en avançant à petit pas, on commence à avoir accès à un autre mode de pensée et de logique qui sont une expérience explosive pour la psychée.
J’ai pu rester bloquée plusieurs heures sur une phrase qui me laissait en plein désaroi, comme si je sentais qu’elle contenait un sens caché. Avancer vers Lacan, c’est aller vers une expérience inédite qui permet de se remettre en question mais aussi c’est avancer vers la créativité.

ob_e7d09b_51t2g82pa3l
Pierre Rey – Une saison chez Lacan – Points – Éditions Robert Lafon et n° 1 – 1989.

 

Parlêtre, par lettre

Lacan emploi, pour citer l’individu porteur du sujet de l’inconscient en tant que divisé, dans son langage et dans son corps, le nom de parlêtre. Le sujet est porteur d’un manque à être, il est pris dans un réseau de signifiants. Je dis parlêtre, et j’entends aussi par lettre, ce qui pourrait indiquer que l’homme s’exprime par la lettre. Il relève de l’instance de la lettre c’est à dire de la culture, il s’exprime par l’écrit, par le faire, par le corps.
Lacan énoncera « Je parle sans le savoir. Je parle avec mon corps et ceci sans le savoir. Je dis donc toujours plus que je ne sais. » ce qui renvoie à la notion de symptôme, un savoir inconscient qui se manifeste, les effets du réel qui s’expriment dans la jouissance par un nouage entre le corps et l’inconscient, ce symptôme d’adresse à quelqu’un. Lacan inventera le parlêtre pour dire que la jouissance accompagne le sujet de l’inconscient.
Le parlêtre véhicule lalangue qui constitue un bouillon sonore qui n’existe que comme parlé, donc aussi entendu, lalangue s’exerce dans la jouissance sonore. Le parlêtre ajoute à l’inconscient sujet du désir, la parole n’est pas parole morte, elle véhicule le désir et la jouissance. Le terme de parlêtre convoque un savoir insu qui s’articule dans la parole par le verbe.
Cela permet de faire le lien avec l’art-thérapie, le parlêtre est un être d’expression singulière qui peut se laisser entre-apercevoir dans une relation tranféro-contre-transférentielle. L’espace d’art-thérapie est le lieu où le corps, lalangue, la parole peuvent s’exprimer avec singularité dans un cadre contenant. L’espace d’art-thérapie accueille chaque parlêtre avec son mode singulier porteur de sa jouissance. L’art-thérapeute peut être le dépositaire de ce symptôme véhiculé par le patient, et il est même parfois supposé être à l’origine de la souffrance du patient.

Références :

Colette Soler – Du parlêtre – L’en je lacannien – 2/2008. Cairn.info.
Cartel : Monique Amirault, Serge Cottet, Claude Quénardel, Marie-Hélène Roch, Pascal Pernot (plus-un). Rédacteur : Pascal Pernot – Du sujet de l’inconscient au parlêtre.

Lacan c’est qui ? Un huluberlu ?

Lacan n’est pas mort,
la création est un moyen de parvenir à l’immortalité symbolique, l’existence de Lacan se prolonge dans son oeuvre.
La pensée de Lacan est celle d’un « homme de divan », elle est construite sur son expérience. Il est bien dommage que la petite histoire ne retienne que ses frasques et autres traits peu communs, ces petits riens ( sa singularité) cachent l’essentiel.
Il a traduit l’essence de son travail dans des mathèmes et son langage est aussi très énigmatique, ses effets de style et de sens foisonnent, il est vrai de dire que ses propos sont difficiles d’accès. Pour le comprendre, il faut travailler, le lire et le relire, s’accrocher, ne pas perdre espoir, un jour, on commence à assimiler cette langue étrange.
La pensée lacanienne issue de la pratique de l’analyse et de la confrontation avec l’inconscient est révolutionnaire.
Dans son travail sur le stade du miroir, il aborde la construction de l’image de soi, le narcissisme et la naissance du moi. L’autre fait pour nous fonction de miroir, c’est grâce à lui que nous pouvons nous reconnaître. Ainsi, le sentiment de soi provient du dehors, et pour cette raison, l’individu est prisonnier de l’image de l’autre.
« L’inconscient est structuré comme un langage », le langage à un rôle capital dans la pensée lacanienne, il véhicule les demandes et les désirs. L’inconscient est l’ordre d’un savoir que le sujet véhicule mais qu’il ignore. Lacan dira que l’inconscient est « ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c’est le chapitre censuré. Mais la vérité peut être retrouvée le plus souvent déjà elle est écrite ailleurs ». À savoir dans le symptôme qui « montre la structure d’un langage et se déchiffre comme une inscription, qui, une fois recueillie, peut, sans perte grave, être détruite » ; dans les souvenirs d’enfance ; dans le vocabulaire qui nous est particulier ; dans les traditions qui véhiculent notre histoire… (Lacan – Fonction et champ du langage et de la parole en psychanalyse – texte présenté au congrès de Rome en 1953.)
Lacan représente ses concepts en jonglant avec les lettres. RSI pour les trois instances Réel, Symbolique et Imaginaire. Le Réel est défini comme l’impossible, il concerne les pulsions qui ne cessent d’insister pour se manifester. Le Symbolique, c’est la loi, le langage ce qui lie les êtres, ce qui fait qu’un nouveau-né s’inscrit d’emblée au sein d’une lignée. L’Imaginaire renvoie au moi, aux images de soi et de l’autre, l’image de l’autre nous sert de reflet où le moi se perçoit authentifié par la parole de l’autre. L’Imaginaire exclue le manque, il est sollicité dès qu’il s’agit d’éviter la confrontation au manque. RSI sont noués dans le psychisme et pour nous donner une évocation limpide, Lacan utilise le noeud borroméen.
A pour le grand Autre, défini comme le lieu de la parole, la matrice de tout désir. Quand le grand Autre prend corps, pour l’enfant, c’est la mère, c’est d’elle qu’il entend les premiers mots, c’est grâce à elle qu’il accède au statut de sujet désirant. L’Autre est celui dont je ne sais pas s’il me trompe ou s’il dit la vérité, je tente de répondre à ce que je suppose être sa demande, son désir est une énigme. L’Autre ne peut pas tout savoir, tout dire, tout avoir, alors Lacan mets une barre sur le Ⱥ. L’Autre est barré s’il est affecté d’un inconscient, le désir de l’Autre que j’interroge est à lui même inconscient.
Le sujet S peut aussi être barré $ : il y a du manque à être, l’individu vit dans l’incomplétude.
L’objet a figure l’objet perdu, la cause de tout désir, il est le manque fait objet, il ne peut pas avoir d’image spéculaire. L’objet a est cette chose insaisissable qui pousse en avant le sujet dans sa quête.

Jacques Lacan
Jacques Lacan