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Marguerite Duras, de la douleur du désir

Marguerite Duras dit si bien « Une solitude sans laquelle on ne fait rien. » Singulière et unique, elle parle de sa façon de faire avec la solitude, qu’elle associe au noir, au trou. « Le doute contient la solitude, le trou. » À voir, un reportage de Benoît Jacquot où elle se dit si bien. « Écrire c’est ne rien dire, c’est écrire. » (1)

« Il faut toujours une séparation d’avec les autres gens autour de la personne qui écrit des livres. C’est une solitude. C’est une solitude de l’auteur, celle de l’écrit. Pour débuter la chose, on se demande ce que c’était ce silence autour de soi. Et pratiquement à chaque pas que l’on fait dans une maison et à toutes les heures de la journée, dans toutes les lumières, qu’elles soient du dehors ou des lampes allumées dans le jour. Cette solitude réelle du corps devient celle, inviolable, de l’écrit. » Écrire – Marguerite Duras

À la question : « C’est quoi Duras ? » Elle répondait : « C’est laisser le mot venir quand il vient, l’attraper comme il vient, à sa place de départ, ou ailleurs, quand il passe. Et vite, vite écrire, qu’on n’oublie pas comment c’est arrivé vers soi. J’ai appelé ça « littérature d’urgence ». Je continue à avancer, je ne trahis pas l’ordre naturel de la phrase. C’est peut-être ça le plus difficile, de se laisser faire. Laisser souffler le vent du livre…» (3)

« C’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est même pas une réflexion, écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d’en perdre la vie. » Écrire – Marguerite Duras

« L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. » (2)

Marguerite Duras nous parle de la douleur et du désir, de la douleur du désir.

Références :

(1) Écrire – Benoît Jacquot.
(2) Écrire – Marguerite Duras – Folio – 1993.
(3) Duras le centenaire – Télérama hors série – Avril 2014.

 

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« Ce que je peux dire c’est que la sorte de solitude de Neaupphle a été faite par moi. Pour moi. Et que c’est seulement dans cette maison que je suis seule. Pour écrire. » M-D

 

À propos du désir…

Depuis le début de ma formation, je m’interroge sur mon désir d’être art-thérapeute. C’est un travail de réflexion personnelle mais aussi un point que j’ai souvent abordé en supervision. J’ai besoin d’être claire sur ce désir qui induit la dynamique des séances.

« Ainsi cet homme, comme tout homme qui désire, désire ce qui n’est ni présent, ni disponible, ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas, ce qui lui manque ; et c’est bien là, nous l’avons vu, l’objet de tout amour et de tout désir ». Platon, Le Banquet (201e).

Le désir, à la source, naît de l’écart entre le besoin et la demande. C’est parce que le besoin a été assouvi, donc transformé en réponse satisfaisante, qu’il se change en désir. Désirer, c’est accepter la coupure afin de rétablir un état de satisfaction (la coupure, c’est la séparation d’où naît le manque). Le désir passe par le langage, Lacan propose de définir le désir par une citation d’Hegel : « Le désir de l’homme, c’est le désir de l’Autre ». Le désir humain a pour seul objet le désir de l’Autre dans une demande de reconnaissance. Nous désirons être désirés par autrui, le désir est intimement lié à la demande de reconnaissance d’autrui. Cette vérité s’applique au désir inconscient, le désir n’est pas par principe relié à un objet réel mais cherche à s’exprimer dans le fantasme, il est inséparable de la demande. Le désir se manifeste sur des objets différents, si je désire un objet, je désirerai aussi ceux qui lui ressemblent ou qui lui sont liés par tout autre lien, parce qu’ils me rappellent cet objet. Le désir par essence est manque, il est douleur, il est créateur et producteur de sens, d’objet. Il nous faut assumer, accepter l’état de manque pour désirer. Aussi, nous ne reconnaissons pas forcément notre désir…

Références :

Joël Dor – introduction à la lecture de Jacques Lacan – Denoël 2002.

Le cadre de la séance d’art-thérapie

L’art-thérapeute crée un espace qui permet, par la conduite de son dispositif, de libérer l’imaginaire du patient. Il s’agit d’un cadre contenant, ainsi que du cadre interne de l’art-thérapeute, ce cadre interne est porté par le désir même de l’art-thérapeute. Ce désir est de rencontrer autrui en s’adressant à lui en tant qu’être singulier. L’art-thérapeute n’oublie pas que l’autre est quelqu’un et qu’il est présent dans sa position et son savoir-faire. L’art-thérapeute n’attend pas que l’autre produise quelque chose pour lui, son désir est de le voir s’exprimer librement. Il conduit son dispositif de façon à placer l’autre au centre de ses préoccupations. L’art-thérapeute accueille l’autre pour ce qu’il est, il attend, il module, il modèle pour recevoir ce qui peut advenir. L’art-thérapeute éveille et cherche le désir de l’autre qu’il accompagne et respecte, il aide l’autre à renouer avec ce désir. Pour cela, il ne programme jamais par avance la réponse de l’autre, il cherche le bon moment pour s’adresser à lui, il dose pour savoir ce qu’il doit lui proposer, il invente. Mais ce n’est pas tout. L’art-thérapeute s’interroge sur la forme de sa proposition ; la singularité de l’art-thérapeute prend en compte la singularité de celui à qui il s’adresse. L’art-thérapeute doit faire preuve de justesse, de finesse. Le dispositif doit s’apparenter au mot d’esprit, il doit produire du plaisir afin que le patient s’approprie le jeu, le fasse sien, provoque l’envie et le désir de poursuivre l’aventure. L’art-thérapeute doit savoir produire du plaisir de faire chez l’autre. La proposition de l’art-thérapeute tient lieu de lien, établit la communication, crée le sens de la rencontre, une rencontre poétique hors champs.

Le cadre de la séance
Le cadre de la séance

Référence :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.
Joël Dor – Introduction à la lecture de Jacques Lacan – Denoël – 2002.