Ma liste

1 – Amener la personne à aller vers sa créativité, l’amener à découvrir pour elle-même ses pensées et réflexions personnelles.
2 – Toute question renvoyée à l’autre. Et Vous ?
3 – Mettre du jeu et du je.
4 – En aucune façon se focaliser sur l’objet.
5 – Rien ne doit être ordinaire.
6 – Toujours être dans le questionnement de soi-même.
7 – L’interprétation, c’est soutenir la personne pour lui faire comprendre qu’elle a bien fait son travail.
8 – Souligner ce qui bouge.
9 – C’est la relation qui soigne, pas la création.
10 – Je suis élève du sujet.
11 – Le faire conduit au savoir faire.
12 – L’objet investi en séance masque l’objet du désir.

C’est une liste qui soutient mes pensées et me guide surtout pour les séances individuelles, et vous ? avez-vous une liste ?

À propos du vide et du plein, François Cheng

Petit écrit sur le souffle vital dans la philosophie chinoise, dans l’ouvrage de François Cheng Vide et plein.
La philosophie chinoise pense l’univers, l’homme tout en étant un être spécifique, est pensé entre terre et ciel. Le vide se présente comme un pivot dans le fonctionnement du système de la pensée chinoise, il entretient un rapport étroit avec le couple yin-yang.
Le vide n’est pas une présence inerte, il est parcouru par des souffles reliant le monde visible avec le monde invisible, il représente l’origine.
« Dans l’optique chinoise, le vide n’est pas, comme on pourrait le supposer, quelque chose de vague ou d’inexistant, mais, un élément éminemment dynamique et agissant. Lié à l’idée des souffles vitaux et du principe d’alternance ying-yang, il constitue le lieu par excellence où s’opèrent les transformations… »
Dans la philosophie chinoise, le vide, élément central de l’école taoïste, est l’origine, ce qu’il y a avant ciel et terre, le rien. Il est ainsi qualifié l’état originel auquel doit tendre tout être : le Tao (la voie) est manifestation du vide.
Huai-nan-tzu : « Le Tao a pour origine le vide. Du vide né du cosmos dont émane le souffle vital. »
Le vide est l’état vers lequel on doit tendre, il vise la plénitude (le plein) ; autrement dit, il n’y a pas de plénitude sans ce vide. C’est la reconnaissance de ce vide qui apporte le souffle vital : le vide médian. Le souffle vital ou vide médian est nécessaire au couple yin-yang, yang représente la force active, et le yin, la douceur réceptive. Le souffle vital engendre le mouvement qui empêche le yin et le yang de se figer. C’est le modèle qui insuffle souffle et vie à l’être humain, qui permet d’accéder à la transformation interne et à l’unité harmonisante. Il maintient l’harmonie entre les opposés.
« Dans le développement linéaire du temps, le vide, chaque fois qu’il intervient, introduit le mouvement circulaire qui relie le sujet à l’espace originel. Ainsi une fois de plus, le vide qui réside à la fois au sein de l’origine et au cœur de toute chose, est le garant du bon fonctionnement de la vie dans le cadre espace-temps. »
L’auteur parle dans son livre de ce souffle vital, le vide médian qui traverse et donne toute force aux œuvres des peintres, mais aussi à la musique et à la poésie.

Commentaire personnel :
L’auteur François Cheng dans son livre le vide et le plein, dit toute sa gratitude à son maître Jacques Lacan en début d’ouvrage, il n’y a pas de hasard…
On pourrait dire que c’est la conscience de ce vide médian existentiel qui confère la valeur de la vie. En ce sens, le souffle du neutre, ouvrage de M. Royol, rejoint la pensée chinoise du souffle vital, le vide médian. Le souffle relie l’état de non-être à l’état d’être, par l’origine. Le souffle insuffle le désir d’être, il est la dynamique de la vie.
F Cheng indique dans son livre que travailler sur le vide dans l’art, peinture, musique et Poésie, permet de reconnaitre en soi, d’une certaine façon le vide médian, le souffle vital, le souffle du désir. Je pense que le travail de l’art-thérapeute est de concevoir des dispositifs ou le jeu avec ce vide médian est possible. Si l’art-thérapeute inclut dans son dispositif ce souffle, le patient pourra alors s’en saisir s’il le souhaite.

François Cheng
François Cheng

La fin du sublime ? un article de Libération

La sublimation a vécu. La pulsion a trouvé un regain de toute-puissance dans un monde qui ne supporte aucune limite pour la satisfaire. Immédiateté, vitesse, fluidité appellent une société sans frustration ni délai. Que ce soit dans l’espace public (les actualités, les faits divers, la pornographie normative, les attitudes «décomplexées») ou sur le divan (patient déprimé, désaxé, agité par les pulsions qui ne trouvent pas une voie féconde en lui, déversées dans ses «humeurs» ou refoulées dans le meilleur des cas jusqu’au retour plus ou moins violent de ce refoulé), la société post-industrielle et post-traumatique de l’après-guerre admet mal qu’on «sublime». Tout ce qui attente à l’envie immédiate est perçu comme un obstacle. Il faut au sujet narcissique un champ opératoire simple et direct à ses pulsions, sinon, il se déprime. La frustration n’est plus supportable, trouvons-lui donc sans cesse de nouveaux objets à ses appétits. L’abstraction, le style, la précision sont passés à l’ennemi, toutes ces choses nous «ralentissent». On ne possède pas un livre, ce n’est ni un investissement ni un instrument ; la lecture prend du temps, et ne produit rien d’autre qu’une capacité accrue à rêver et à penser. On lui préférera des bribes de textes glanés sur le Net qui livreront au plus vite possible l’information ad hoc. L’absence de style dans les productions culturelles est aussi préoccupante que le sont les vies sous pression, moroses et fonctionnelles – tellement plus nombreuses que des vies habitées, voulues.

Freud définit la sublimation pour la première fois en 1905 pour rendre compte de ce qui nous porte à créer spirituellement et artistiquement, sans que cette activité n’ait de rapport apparent avec la sexualité. Il fait l’hypothèse que la pulsion se déplace vers un but non sexuel. Autrement dit, il s’agit d’un processus inconscient de conversion de l’énergie – la libido. «La sublimation comprend un jugement de valeur. […] Le but de la pulsion est dévié : à la différence du symptôme, loin d’impliquer angoisse et culpabilité, elle est associée à une satisfaction esthétique, intellectuelle et sociale.» A la fonction cathartique de l’acte de création s’ajoute un bénéfice narcissique. Attendre, imaginer, espérer, c’est faire face au chaos de nos envies et de nos tourments en leur donnant un ordre symbolique. Longtemps, le sexe, la mort et leurs diverses conjugaisons, mais aussi l’extase, l’abandon mystique, l’effroi ont été des portes que l’on savait ouvertes sur des abîmes sans quoi l’humain serait réduit à une animalité de confort. Pour mettre au secret ce que dans des temps anciens on appelait l’hubris, c’est-à-dire «l’excès», la vie pulsionnelle non refrénée, meurtre compris, il y avait ce couple : refoulement et sublimation. Qui se passait de notre consentement comme de notre volonté.

Ce que Freud a posé, c’est que la sublimation n’était pas l’envers de la répression, mais un agir, presque un instinct de beauté. Oui, Freud, en explorant cette capacité de l’être humain, a fait une trouvaille géniale quand il désigne dans la sublimation non une propension au fantasme, ni bovarysme de l’esprit, mais un des destins de la pulsion. La pulsion a un autre talent : elle invente, elle propose, elle trace des arabesques là tout est muré. C’est l’anamorphose qui révèle dans l’ombre portée du crâne, des paysages. C’est le délire du fou qui révèle une vérité enfouie, inaudible. La question du délire est intéressante, d’ailleurs, pour qui s’intéresse à la psychiatrie. Car le délire aussi est une forme de sublimation. En ce sens, les délires pauvres ou empêchés par les médicaments disent bien notre forme de puritanisme. Car la pulsion de sublimation est aussi épocale. Tel l’art zen du tir à l’arc ou l’art du désordre dans le jardin anglais, elle appelle chez le sujet un consentement à se passer de l’immédiat pour la beauté du geste. Citons quelques exemples de ses conquêtes : l’art baroque, le trait d’esprit, l’équation mathématique, le pas de danse, la corrida. La sublimation, pour Freud, était la clé du processus de symbolisation. Elle articulait pulsion et langage, affects et valeur. La sublimation ne nie pas la réalité, elle en reconnaît la contrainte mais elle passe outre, et au passage elle invente un langage. Freud aimait citer ce mot de Pierre-François Lacenaire, qui, appelé à être guillotiné à l’aube, s’était écrié en trébuchant sur un pavé de la cour : «Voilà une semaine qui commence mal.» Et Freud de conclure avec humour : voilà le parfait dépassement de la névrose ! Sublimer n’est pas éviter la mort mais faire un dernier tableau avant la mort dans le dos. Le réel n’est pas nié, ni même évité, il est surmonté. Qu’a donc la sublimation de si dangereux pour être dans une si mauvaise passe ? Le couple refoulement-sublimation, qui caractérisait le XXe siècle, est-il en train d’être remplacé par le déni et le passage à l’acte ? Un monde qui parvient à sublimer est un monde qui prend une forme, qui n’est pas informe comme l’actuelle confusion générale destine le nôtre à l’être.

Anne Dufourmantelle Philosophe et psychanalyste

Libération article complet

C’est quoi être normal ?

« je fréquente régulièrement des profils que je qualifie sciemment d’atypiques. Qu’ils soient identifiés par un tiers comme « surdoués », « précoces », « à haut potentiels », « Asperger », « bipolaires », « introvertis », ces individus ont en commun la souffrance d’être marginalisés parce qu’ils ne correspondent pas au format en vigueur. Quelque chose dans leur état d’être perturbe leur entourage par son caractère inhabituel, réveillant une peur de l’inconnu qui bientôt devient rejet défensif. Alors ces cygnes égarés au milieu des canards cherchent, pour se soulager, l’étiquette qui justifierait ce qu’ils vivent comme leur défaut de fabrication.» Muriel ROJAS
Generation-tao-blog.com

Quelle place pour l’art-thérapie aujourd’hui ?

Le secrétariat de l’école où j’ai fait mes études d’art-thérapie m’a téléphoné pour savoir où j’en étais dans mon parcours. Ils disent que c’est pour faire avancer le métier d’art-thérapeute, le faire reconnaître. C’est vrai, mais pas seulement ! Ces statistiques leur permettront aussi de renouveler leur contrat de validation de certificat RNCP. Je leur ai parlé d’une place difficile à trouver, en tant qu’art-thérapeute. Je parle souvent avec d’autres art-thérapeutes formés de diverses écoles et tous disent cette difficulté d’exercer notre métier, de dire notre place, de la faire connaître. Cela me rappelle la fameuse parole sainte de mon école : c’est l’offre qui crée la demande, si vous savez bien dire votre métier, un professionnel vous fera confiance. Cela sous-entend que si je ne trouve pas une place dans ma profession, c’est de ma faute ! Certainement pour partie. Mais pour partie seulement, les art-thérapeutes diplômés ne trouvent pas tous du travail aussi aisément que dans notre imaginaire d’étudiants ! Je pense que les écoles forment beaucoup d’art-thérapeutes, et que les art-thérapeutes n’ont pas encore une place déterminée dans le champ du soin. Nous avons aussi ce travail à faire, faire notre place, difficile tâche dans les méandres des institutions soignantes, nous sommes soumis au désir de celui qui décidera de promouvoir une politique du soin laissant aux souffrants une place de sujet. En attendant, le plus souvent, les art-thérapeutes se retrouvent seuls et démunis sur le marché du travail. C’est pourquoi, je souligne une petite victoire, Cynthia Fleury crée une chaire de philosophie au cœur de l’hôtel-dieu, afin d’aller vers la place du sujet à l’hôpital, pour réinventer la relation au soin, à la maladie, à la vie.

Cynthia Fleury, tête chercheuse.