Art-thérapie en gérontologie

Les personnes placées en institution peuvent se sentir privées de repères, de moyens d’expression, elles peuvent rechercher un sentiment de sécurité interne, celui dont tout être humain a besoin pour être. Il est fréquent qu’elles se sentent destituées de leur pouvoir de décision, de leur expression propre, de leur position subjective. L’art-thérapie offre la possibilité de faire advenir le sujet et de permettre la restitution de la place du sujet dans le langage. Le sujet selon Lacan s’appréhende dans les effets des manifestations langagières d’une personne, adressées à une autre dans le transfert. Tel est le cadre proposé dans l’espace d’art-thérapie. Le langage de l’art-thérapie, s’éprouve dans une expression artistique, dans le dépôt d’une trace qui permettrait au sujet de s’exprimer. Tout le travail de l’art-thérapeute est de proposer au sujet les moyens pour qu’il puisse vivre en son langage.

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Lucian Freud – The painter’s mother resting.

 

Marguerite Duras, de la douleur du désir

Marguerite Duras dit si bien « Une solitude sans laquelle on ne fait rien. » Singulière et unique, elle parle de sa façon de faire avec la solitude, qu’elle associe au noir, au trou. « Le doute contient la solitude, le trou. » À voir, un reportage de Benoît Jacquot où elle se dit si bien. « Écrire c’est ne rien dire, c’est écrire. » (1)

« Il faut toujours une séparation d’avec les autres gens autour de la personne qui écrit des livres. C’est une solitude. C’est une solitude de l’auteur, celle de l’écrit. Pour débuter la chose, on se demande ce que c’était ce silence autour de soi. Et pratiquement à chaque pas que l’on fait dans une maison et à toutes les heures de la journée, dans toutes les lumières, qu’elles soient du dehors ou des lampes allumées dans le jour. Cette solitude réelle du corps devient celle, inviolable, de l’écrit. » Écrire – Marguerite Duras

À la question : « C’est quoi Duras ? » Elle répondait : « C’est laisser le mot venir quand il vient, l’attraper comme il vient, à sa place de départ, ou ailleurs, quand il passe. Et vite, vite écrire, qu’on n’oublie pas comment c’est arrivé vers soi. J’ai appelé ça « littérature d’urgence ». Je continue à avancer, je ne trahis pas l’ordre naturel de la phrase. C’est peut-être ça le plus difficile, de se laisser faire. Laisser souffler le vent du livre…» (3)

« C’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est même pas une réflexion, écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d’en perdre la vie. » Écrire – Marguerite Duras

« L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. » (2)

Marguerite Duras nous parle de la douleur et du désir, de la douleur du désir.

Références :

(1) Écrire – Benoît Jacquot.
(2) Écrire – Marguerite Duras – Folio – 1993.
(3) Duras le centenaire – Télérama hors série – Avril 2014.

 

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« Ce que je peux dire c’est que la sorte de solitude de Neaupphle a été faite par moi. Pour moi. Et que c’est seulement dans cette maison que je suis seule. Pour écrire. » M-D

 

Éthique et déontologie

Aujourd’hui, je conçois l’art-thérapie comme un espace d’expression singulière cadré par une éthique qui fonde et structure le métier de l’art-thérapeute. L’éthique se réfère en premier lieu dans le code de déontologie, il fixe l’action de l’art-thérapeute et ouvre au respect du patient dans sa dimension psychique et physique. Le cadre de la formation fait aussi partie de l’éthique, l’éthique de l’art-thérapie proposée par Profac est éclairée par la psychanalyse, elle est du côté du parlêtre. L’inconscient étant à fleur de langage : parce que choisir un mot, c’est en taire un autre, il y a un impossible à dire. Dans le cadre de la formation, l’art-thérapeute s’ouvrira à sa position interne, son propre cadre, il devra atteindre la position éthique de l’abstention. Il ne sait rien et ne cherche pas à obtenir un savoir, il accueille l’autre dans sa globalité, avec sa singularité de jouissance aussi. Cette formation invite le futur art-thérapeute à s’incliner devant son patient. Un autre cadre, le cadre physique de la séance définit un lieu et un temps qui contiendra la rencontre art-thérapeutique. Ainsi, ces conditions favorables posées, un espace sécurisant et à l’abri de toute intrusion est construit. La séance se tient hors lien social, dans un cadre contenant, bienveillant, avec un accueil au singulier. Dans l’espace éphémère de la séance qui se présente hors réel, l’imagination est stimulée, le patient est invité à représenter ce qu’il a imaginé, il entre ainsi dans un processus de créativité. C’est une rencontre avec l’inattendu, c’est un échange dans l’instant présent.

Références :

Colette Soler – Du parlêtre – L’en je lacannien – 2/2008. Cairn.info.
JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.

Code de déontologie de l’art-thérapeute.

Je est un autre – Joël Clerget

Joël Clerget,  psychanalyste et écrivain propose dans ce texte, de nous parler du je dans l’espace poétique du faire. « Le poète est celui qui fait. Il fait acte. Il est un faiseur. Un faiseur de mot. Un faiseur avec les mots. » Tout ceci est relié à la psychanalyse avec finesse.

«Je ne suis pas qui vous croyez. Je ne sais pas davantage qui je suis – et si je le savais, serais-je vraiment celui-là ? Mon identité et mon existence me portent, l’une et l’autre, hors de moi. Elles m’invitent à la conquête de mon visage et de mon je.» Joël Clerget

Moi, ça me parle.
De plus, ce texte est riche d’extraits de poètes avec de belles illustrations.

Je vous invite à lire ce magnifique texte mis à disposition par les éditions Amourier.

Un espoir pour les patients admis en psychiatrie ?

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) s’inquiète dans son rapport d’activité 2013, rendu public le 11 mars 2014 :

« Il suffit de visiter, même rapidement, la plupart des unités pour prendre conscience de l’inactivité dans laquelle sont maintenues, pendant beaucoup de leur temps, les personnes malades. Les espaces et les personnels voués aux diverses thérapies possibles (ergothérapie, art-thérapie…) sont très généralement insuffisant. »

Voir l’article complet.

Un monde sans fou – Philippe Borrel

Les dérives de la psychiatrie.
Le film se clôture par cette phrase :

« Sans reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît. » F. Tosquelle

Il faut absolument voir ce film émouvant pour comprendre l’humain pris dans les dédales du soin psychique.

Vous pourrez, en regardant ce documentaire de Philippe Borrel vous faire votre opinion sur le soin psychique aujourd’hui.