Archives pour la catégorie Art-thérapie

Éthique et déontologie

Aujourd’hui, je conçois l’art-thérapie comme un espace d’expression singulière cadré par une éthique qui fonde et structure le métier de l’art-thérapeute. L’éthique se réfère en premier lieu dans le code de déontologie, il fixe l’action de l’art-thérapeute et ouvre au respect du patient dans sa dimension psychique et physique. Le cadre de la formation fait aussi partie de l’éthique, l’éthique de l’art-thérapie proposée par Profac est éclairée par la psychanalyse, elle est du côté du parlêtre. L’inconscient étant à fleur de langage : parce que choisir un mot, c’est en taire un autre, il y a un impossible à dire. Dans le cadre de la formation, l’art-thérapeute s’ouvrira à sa position interne, son propre cadre, il devra atteindre la position éthique de l’abstention. Il ne sait rien et ne cherche pas à obtenir un savoir, il accueille l’autre dans sa globalité, avec sa singularité de jouissance aussi. Cette formation invite le futur art-thérapeute à s’incliner devant son patient. Un autre cadre, le cadre physique de la séance définit un lieu et un temps qui contiendra la rencontre art-thérapeutique. Ainsi, ces conditions favorables posées, un espace sécurisant et à l’abri de toute intrusion est construit. La séance se tient hors lien social, dans un cadre contenant, bienveillant, avec un accueil au singulier. Dans l’espace éphémère de la séance qui se présente hors réel, l’imagination est stimulée, le patient est invité à représenter ce qu’il a imaginé, il entre ainsi dans un processus de créativité. C’est une rencontre avec l’inattendu, c’est un échange dans l’instant présent.

Références :

Colette Soler – Du parlêtre – L’en je lacannien – 2/2008. Cairn.info.
JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.

Code de déontologie de l’art-thérapeute.

À propos du désir…

Depuis le début de ma formation, je m’interroge sur mon désir d’être art-thérapeute. C’est un travail de réflexion personnelle mais aussi un point que j’ai souvent abordé en supervision. J’ai besoin d’être claire sur ce désir qui induit la dynamique des séances.

« Ainsi cet homme, comme tout homme qui désire, désire ce qui n’est ni présent, ni disponible, ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas, ce qui lui manque ; et c’est bien là, nous l’avons vu, l’objet de tout amour et de tout désir ». Platon, Le Banquet (201e).

Le désir, à la source, naît de l’écart entre le besoin et la demande. C’est parce que le besoin a été assouvi, donc transformé en réponse satisfaisante, qu’il se change en désir. Désirer, c’est accepter la coupure afin de rétablir un état de satisfaction (la coupure, c’est la séparation d’où naît le manque). Le désir passe par le langage, Lacan propose de définir le désir par une citation d’Hegel : « Le désir de l’homme, c’est le désir de l’Autre ». Le désir humain a pour seul objet le désir de l’Autre dans une demande de reconnaissance. Nous désirons être désirés par autrui, le désir est intimement lié à la demande de reconnaissance d’autrui. Cette vérité s’applique au désir inconscient, le désir n’est pas par principe relié à un objet réel mais cherche à s’exprimer dans le fantasme, il est inséparable de la demande. Le désir se manifeste sur des objets différents, si je désire un objet, je désirerai aussi ceux qui lui ressemblent ou qui lui sont liés par tout autre lien, parce qu’ils me rappellent cet objet. Le désir par essence est manque, il est douleur, il est créateur et producteur de sens, d’objet. Il nous faut assumer, accepter l’état de manque pour désirer. Aussi, nous ne reconnaissons pas forcément notre désir…

Références :

Joël Dor – introduction à la lecture de Jacques Lacan – Denoël 2002.

Dynamique des séances d’art-thérapie

La dynamique des séances d’art-thérapie, c’est la quête du sujet qui se révélera après-coup. Pour que cela puisse se produire, l’art-thérapeute offre un espace de sécurité qui permet à l’individu de s’exercer dans des associations libres d’éléments mis à sa disposition, selon son désir de l’instant. L’art-thérapeute devra se tenir à la hauteur de ses actes, de ses paroles, il s’investira dans sa capacité d’engagement à soutenir le transfert, pour cela il devra toujours réinventer et se mettre à l’écoute.
L’art-thérapie propose d’apprendre à faire avec ce que l’on est, le patient apprend à faire avec ce qu’il est, et l’art-thérapeute aussi. L’art-thérapeute s’interroge sur tout ce qui peut advenir et dans ce qu’il peut écouter chez l’autre. Il écoute aussi les réponses qu’il apporte et essaie de les analyser. Si l’art-thérapeute prend conscience des liens intrapsychiques qui agissent dans la relation avec l’autre, il peut alors tenter de proposer d’autres réponses que celles attendues. L’écoute est génitrice d’événements, elle permet une mobilité stucturante. Le transfert lacanien s’inscrit dans le langage et le savoir, le patient attribue à l’art-thérapeute un supposé savoir sur le bricolage avec la vie, et il devra se mettre au travail afin de sortir de cette position.

Références :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.

Une art-thérapie humaniste

« Je ne détiens aucune vérité sur le sujet de l’art-thérapie, seulement des certitudes. Et lorsque mes certitudes se muent en incertitudes, je me remets en question et au travail (…)
Mon art-thérapie est une art-thérapie humaniste, utilisant des médiateurs artistiques ou culturels avec une seule finalité le soin, et comme objectif de redonner sens, une dynamique (élan vital) et tout simplement le goût de vivre. »

Par Jean-Louis Aguilar, praticien en art-thérapie, praticien en médiation corporelle et relaxation, président de l’association de recherche en art et thérapie (ARAT).

Le blog de l’ARAT.

À propos du transfert

L’art-thérapie prend comme point de départ la création d’un sujet autour d’un réel. L’individu est créatif, il ne le sait pas toujours, mais pour composer avec ce que la vie lui propose, il lui a fallu être créatif. L’art-thérapie va permettre à l’individu de bricoler pendant les séances, il va inventer des formes de solutions, les tester afin de les faire siennes, ensuite il pourra peut-être les utiliser en dehors.
Pour que cela puisse se produire, l’art-thérapeute offre un espace qui permet à l’individu de s’exercer dans des associations libres d’éléments mis à sa disposition, selon son désir de l’instant.
La psychanalyse, pour Jacques Lacan, touche à ce qui vient du dehors, aux signifiants. Seul le langage de l’inconscient ouvre à une certaine connaissance de soi. Les manifestations et l’identification de l’inconscient permettent de retrouver du langage et du sens. Les demandes, les souhaits, les obsessions, les répétitions, les hésitations, les besoins, les actes… sont comme autant de langages à observer pour ouvrir l’espace propice à une nouvelle façon de communiquer. Le sujet est articulé par ce langage dont il n’a que peu de maîtrise, il peut se déployer au centre d’un autre regard. Son langage le signifie, parle de lui à son insu. Toutes les expressions du sujet le structurent et sécrètent sa vérité. Ainsi Lacan incite à être attentifs aux signifiants qui donnent un accès au cœur du sujet, au cœur de son désir.
Nasio dira que l’inconscient relie et noue les êtres, dans une relation de transfert bien établi. L’inconscient se révèle dans un acte inattendu, un signifiant qui annonce le sujet de l’inconscient qui peut dire sa vérité. Il est indispensable qu’un autre sujet écoute, et reconnaisse la portée de l’inconscient.

Références :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.
Nasio JD – Cinq leçons sur la théorie de Jacques Lacan – Petite bibliothèque Payot -1992.
Franck Chaumont – La loi, le sujet et la jouissance – Éditions Michalon – 2004.

Le cadre de la séance d’art-thérapie

L’art-thérapeute crée un espace qui permet, par la conduite de son dispositif, de libérer l’imaginaire du patient. Il s’agit d’un cadre contenant, ainsi que du cadre interne de l’art-thérapeute, ce cadre interne est porté par le désir même de l’art-thérapeute. Ce désir est de rencontrer autrui en s’adressant à lui en tant qu’être singulier. L’art-thérapeute n’oublie pas que l’autre est quelqu’un et qu’il est présent dans sa position et son savoir-faire. L’art-thérapeute n’attend pas que l’autre produise quelque chose pour lui, son désir est de le voir s’exprimer librement. Il conduit son dispositif de façon à placer l’autre au centre de ses préoccupations. L’art-thérapeute accueille l’autre pour ce qu’il est, il attend, il module, il modèle pour recevoir ce qui peut advenir. L’art-thérapeute éveille et cherche le désir de l’autre qu’il accompagne et respecte, il aide l’autre à renouer avec ce désir. Pour cela, il ne programme jamais par avance la réponse de l’autre, il cherche le bon moment pour s’adresser à lui, il dose pour savoir ce qu’il doit lui proposer, il invente. Mais ce n’est pas tout. L’art-thérapeute s’interroge sur la forme de sa proposition ; la singularité de l’art-thérapeute prend en compte la singularité de celui à qui il s’adresse. L’art-thérapeute doit faire preuve de justesse, de finesse. Le dispositif doit s’apparenter au mot d’esprit, il doit produire du plaisir afin que le patient s’approprie le jeu, le fasse sien, provoque l’envie et le désir de poursuivre l’aventure. L’art-thérapeute doit savoir produire du plaisir de faire chez l’autre. La proposition de l’art-thérapeute tient lieu de lien, établit la communication, crée le sens de la rencontre, une rencontre poétique hors champs.

Le cadre de la séance
Le cadre de la séance

Référence :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.
Joël Dor – Introduction à la lecture de Jacques Lacan – Denoël – 2002.

Art-thérapie orientée par la psychanalyse, c’est quoi ?

Jean-Pierre Royol présente l’art-thérapie éclairée par la psychanalyse, il propose cette définition « L’Art-thérapie est une méthode qui consiste à créer les conditions favorables au dépassement des difficultés personnelles par le biais d’une stimulation des capacités créatrices. » Il ajoute qu’elle n’autorise aucune interprétation et respecte, en premier lieu, la liberté d’expression du sujet. Tout comme il l’indique dans sa définition, il s’agit de stimuler les capacités créatives, et non pas de créer une œuvre d’art. Qu’est ce que la créativité ? Je m’accorde avec la pensée de Racamier : vivre, c’est se créer. L’acte de créer mobilise toutes les ressources de la psyché et élargit l’espace du jeu et de la liberté, c’est dans cet espace que le sujet peut se mettre à l’œuvre. Racamier ajoute qu’on crée toujours pour soi, pour trouver ce qu’on n’a pas encore rencontré, ce qui rejoint l’idée même du trouvé-créé si chère à Winnicott.
L’art-thérapeute et le psychanalyste peuvent partager quelques outils. Le premier outil qu’utilise l’art-thérapeute est une nouvelle façon de penser l’autre, et de lui faire une juste place dans notre discours et dans les séances d’art-thérapie. L’art-thérapie emprunte un concept fondamental, le transfert, le déplacement de représentations subjectives sur la personne de l’art-thérapeute, traduit par un affect. Ces représentations indiquent les différents modes de relation du sujet avec ses objets, l’art-thérapeute porte le masque d’une autre représentation. Le transfert est un compromis entre désirs de nature différente, l’un actuel, l’autre inconscient. Le désir actuel est le masque du désir inconscient, le refoulement a condamné l’inconscient au masque. Le raté, le fantasmé est caché par le masque, on ne répète (le transfert est une répétition d’un acte refoulé) pas n’importe quoi. Tout le travail de l’art-thérapeute n’est pas de renvoyer le patient à cette réalité, mais d’accueillir, de faire avec le discours présent du patient. L’art-thérapeute accepte le jeu du transfert parce qu’il y a quelque chose qui se joue, il accepte le masque au nom de la vérité du sujet. L’art-thérapeute est lui-même renvoyé à son affect, il est mû par le contre-transfert. Le transfert du patient est induit par le contre-transfert de l’art-thérapeute qui dit son désir, l’art-thérapeute fait une offre et cela entraîne une demande.
Un autre outil que l’art-thérapeute va emprunter à la psychanalyse est l’emploi des entretiens préliminaires, ces premières séances qui permettent à l’art-thérapeute de cerner la demande du patient et conduisent au désir manifeste qui sera la dynamique même des séances. Tout le travail de l’art-thérapeute consiste à cerner le désir du patient, à proposer une ouverture sur lui-même, sur son désir et sur le monde qui l’entoure.
L’éthique du bien faire est présente en art-thérapie qui est aussi une éthique du désir. Mais que veut dire bien faire pour l’art thérapeute ? Bien faire ne veut pas dire chercher à séduire ou à plaire, ni vouloir rendre beau, l’art-thérapie ne cherche pas non plus à faire faire à autrui ce qu’il a à faire. L’art-thérapie respecte la personne dans son expression entière, son expression singulière. La séance art-thérapeutique permet à tout un chacun d’apprendre son symptôme, de l’accepter, de vivre avec, de nouer et dénouer des liens, de composer avec ce symptôme qui est au cœur même du sujet.
L’art-thérapie est une création, une co-création dans un espace de recherche, d’inventions, un espace de libre-pensée, d’envolées imaginaires. Un espace où se manifeste aussi le silence, l’intervalle qui offre une espace vide nécessaire au déploiement du désir.

Références :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.
PC. Racamier – Le génie des origines – Bibliothèque scientifique Payot – 1992.
Winnicott Donald Wood – Jeu et réalité – Traduction JB Pontalis – Folio essai – 1971.