De la pertinence de la gratuité ?

Je me suis interrogée face à de nombreux art-thérapeutes qui proposent les séances d’entretiens préliminaires gratuites. En début d’exercice, pensant mon cadre, je me suis posée la question : Pourquoi ? Pour quelle raison ? Un inconnu rencontre un autre qui lui ferait un cadeau. D’ailleurs l’autre n’est pas tout à fait un autre quelconque. Quel sens donner à ce geste ? Je pense que les séances préliminaires gratuites peuvent être considérées comme une forme de séduction, comme un vouloir dire à celui qui vient vers nous « je veux te plaire». Cet acte gratuit touche à la confiance. Comment parler de soi et du pourquoi on vient en art-thérapie devant quelqu’un qui cherche à nous plaire ? Le paiement remet chacun à sa place, l’intime, la confidence, doivent pouvoir aller vers un acte de confiance. Si l’art-thérapeute a quelque chose à offrir, c’est un climat de confiance, il en est de sa responsabilité.

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Les 150 ans d’Alice au pays des merveilles

« C’est la psychanalyse qui peut rendre compte le mieux de l’effet de cette œuvre. » En 1966, sur France Culture, le flamboyant Jacques Lacan rendait hommage à Lewis Caroll, passant au tamis de la psychanalyse les Aventures d’Alice au pays des merveilles, célèbres et célébrées dans le monde entier.
Une archive à réécouter, alors que la jeune Alice souffle ses 150 bougies : c’est le 4 juillet 1865 que paraissait le récit de son passage à travers le miroir.

Ècouter l’emission

ALICE

Jusqu’où irons nous pour les rencontrer ? à propos de l’autisme

Frédéric Philibert, parent d’un petit garçon autiste, a réalisé un film d’animation – Mon petit frère de la lune –  « Une petite fille essaie de faire comprendre pourquoi son petit frère (autiste) n’est pas vraiment comme les autres enfants et donne sa version des faits ».

Ce film a reçu le Grand prix et le Prix du public du Festival Handica-Apicil 2007.

Cet impossible oubli… à propos de la démence, article d’ André Quaderi.

J’ai effectué mes stages pratiques en centre de gériatrie, j’ai été touchée par les personnes âgées souffrant de démence. J’ai cherché à comprendre comment je pouvais avoir une approche bienveillante. C’est le travail d’André Quadéri qui m’a offert la matière fertile à ma réflexion, j’ai pu en m’appuyant sur son travail, me construire une éthique.

L’OUBLI DÉMENTIEL DE LA MÉMOIRE

Pour le patient atteint de la maladie d’Alzheimer ou apparentée, l’ensemble de sa vie s’immerge dans la perte de mémoire (prise ici au sens commun). Comment alors comprendre, à partir de Freud, les manifestations dans la clinique du dément de souvenirs tronqués répétés à l’identique (et parfois à l’infini) sous les affects d’angoisse, d’agitation de Mmes Porte et R. ?
Paradoxalement, Freud nous ouvre la voie dans son article « Remémoration, répétition, perlaboration ». Il présente, à la fin de son exposé, une patiente comme « un exemple extrême ». Cette « dame âgée », « au cours d’états confusionnels avait plusieurs fois abandonné le domicile conjugal pour fuir quelque part, sans pouvoir motiver cette fugue. Elle commença sa cure chez moi sous le signe d’un transfert positif bien marqué qui crût avec une rapidité anormale dès les premiers jours du traitement. À la fin de la semaine, la dame prit la fuite, avant même que j’aie eu le temps de lui dire quelque chose qui aurait pu prévenir cette répétition. » Cette dame âgée présente des signes confusionnels s’apparentant, selon nous, à la démence. La répétition des fugues qui sont sans élaboration ainsi que l’âge, encore que « dame âgée » à l’époque de Freud ne revête pas la même signification actuelle, s’assimile grandement avec la clinique de la maladie d’Alzheimer.
Comment expliquer les répétitions (Mmes R. et Porte par exemple) qui sidèrent le dément dans une compulsivité de ses actes ? Ces répétitions ne peuvent être comprises si nous omettons de notre analyse l’énervement et l’agitation de Freud devant sa difficulté à verbaliser le nom de Signorelli. Énervement et agitation, mécontentement de soi et libération d’une contrainte expriment à la fois un déplaisir devant la force de résistance du refoulement et le manque que dévoile le mot dérobé. Tout comme Freud devant l’érudit le délivrant de son oubli, le dément, avec un coefficient majoré, se tend vers son interlocuteur dans une intention de parler, de rembourser sa dette. Si Freud ne trouve pas le nom du peintre, sa psyché fonctionne, elle présente un raté isolé, momentané, en résumé, non pathologique. En revanche, pour le dément, le raté demeure, croît et envahit l’ensemble des processus psychiques. Sa mémoire se dérobe du fait d’une altération cognitive de sa mémoire sémantique, d’un déficit du substrat organique. Pour Freud, la mémoire se dérobe ; dans la démence, elle manque à l’appel, elle crée par là même un manque à être. Le dément ne peut ainsi que reproduire inlassablement sa demande dans la formulation de souvenirs répétés et partiels. La sidération du manque de mot, directement imputable au processus dégénératif, conduit le patient à un impossible à créer. Roland Gori attelle la dette du sujet à la parole (dette contractée pour se souvenir) à la condamnation « à créer sans cesse », à générer à l’infini des discours. Pour le dément, son incapacité à se souvenir au sens freudien apparaîtrait liée à la fois à des effets d’anéan- tissement idéique et à des troubles du langage fréquents dans la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées.
Le dément répète car il ne se souvient pas. Il répète à l’infini, tendu vers l’Autre, tout comme Freud délivré par son ami, pour se libérer de cette contrainte réelle, du Réel de ne pouvoir dire et donc être. Cette répétition, parfois à l’infini, des productions démentielles, épuisantes pour les soignants et l’entourage, signe la persistance d’une dépendance humaine au langage. Toutefois, cette répétition peut être perçue comme relevant du non-sens. C’est ainsi que Luce Irigaray (1973) approche le dément à partir de ses troubles du langage : « Parlé plus que parlant, énoncé plus qu’énonçant, le dément n’est donc plus, à strictement parler, un sujet d’énonciation actif. Il ne génère plus de discours. Il n’est que le locuteur passif d’énoncés antérieurement produits. » Elle ne fait que confirmer ce qu’elle avait préalablement affirmé : « On pourrait parler, à la limite, d’un langage se répétant lui-même et non d’un locuteur faisant appel à la langue pour transmettre effectivement un message. » Ces analyses sont toujours d’actualité dans la plupart des publications des chercheurs Eustache (1999), Garelli, De Guillebon (1999). Si le dément ne peut, en effet, seul générer de discours, a contrario, être acteur en continuité d’une énonciation semble possible (Quaderi, 2003). Lors de nos évocations cliniques, nous initions la production d’un échange verbal à la suite des cris, des hurlements, ou de l’apathie. Mme R. et Mme Porte expriment, selon nous, par leurs attitudes angoissées et répétées ce manque de disponibilité des mots, cet impossible oubli qui autorise l’accès à la parole. Nous analysons l’agitation à répétition du dément comme la transformation du non-sens en comportement de décharge motrice (cris, agitation, etc.). Ces conduites appellent, happent le praticien dans une clinique à l’extrême de la relation humaine. Le dément pressent qu’il savait, sans comprendre pour autant pourquoi il ne sait plus, et ce presque irrémédiablement. Ce savoir sur sa mémoire bute sur le réel de la maladie organique, nous pourrions presque avancer que ce savoir dépossédé devient forclos. Tout comme la dame âgée de Freud, le dément répète, recherche inlassablement, par son comportement, une quête de sens. La sidération répétitive du dément se comprend comme une requête incessante adressée à lui-même et à son entourage du paiement de sa dette à la parole. Ainsi, l’agitation et les répétitions du dément expriment la dépendance de l’humain dément au fait du langage. Les comportements démentiels du malade atteint de maladie d’Alzheimer ou apparentée dévoilent ainsi des processus psychiques en fin de vie, désorganisés par l’absence de l’oubli freudien…
Comment alors réduire (à défaut de guérir) cette agitation et cette compulsivité, là où Freud échoue avec cette dame âgée confuse ?

Extrait de
Quaderi André –  Mémoire et souvenir dans la clinique du dément – Cliniques méditerranéennes, 2009/1 n° 79, p. 79-90.

Lire aussi :
Quaderi André – Psychologie du vieillissement – Armand Colin – 2013.
Quaderi André –  La psychanalyse au risque de la démence. Le pari pascalien dans la clinique du dément – Cliniques méditerranéennes.

Art-thérapie, le sujet et le deuil, une rencontre entre parenthèses.

Ophelia 1851-2 by Sir John Everett Millais, Bt 1829-1896
Ophelia par Sir John Everett Millais.

C’est le titre de mon mémoire de recherche.
J’ai travaillé sur l’espace d’art-thérapie pensé comme la métaphore du processus du deuil.

Pourquoi est ce que je peux penser l’espace d’art-thérapie comme la métaphore du processus du deuil ?
En situation de stage, j’ai pu constater que les résidents étaient concernés par le deuil, la vieillesse comprend de nombreux deuils à faire, les résidents pouvaient avoir à faire le deuil de leur vie de famille, de leur rôle dans le social ou même de leur mémoire…
De structure, le sujet humain est concerné par le deuil. Il est concerné par le deuil, parce que pour exister, il a dû accepter de renoncer à la complétude. Chacun vit cette expérience singulièrement et elle peut conduire à une certaine douleur d’exister.
Racamier, dans son ouvrage, le génie des origines, m’invite à penser le deuil comme accepter de perdre pour aller vers la découverte. Ainsi, le deuil originaire, inscrit un manque au cœur du sujet humain, ce manque s’éveillera dans chacune de ses relations.

Comment penser l’espace d’art-thérapie comme métaphore du processus du deuil ?
En séance d’art-thérapie éclairée par la psychanalyse, une relation se noue et se dénoue autour d’une invitation à créer un objet éphémère. L’art-thérapeute soutiendra le détachement de l’objet imbriqué dans sa conception, en un temps et un lieu entre parenthèses. L’art-thérapeute, propose un dispositif, le sujet est invité à créer ce qu’il aura imaginé, avec ses mots, ses images et ses représentations de l’instant. Le sujet investit l’objet et accepte de s’en séparer parce que ce mouvement est inclus dans la relation. C’est ainsi qu’il pourra entrapercevoir peu à peu, que l’objet investi en séance masque l’objet de son désir. C’est ainsi que se rejouera en séance l’acceptation de la perte et que cela donnera accès à de nouvelles découvertes. L’existence du sujet se passe ailleurs, dans un après à inventer.

Pour cela, il faut considérer que la fonction de l’art-thérapeute est marquée par le deuil, l’art-thérapeute devra travailler à accepter de renoncer.
Il aura à renoncer à toute valorisation de l’objet.
Il aura à renoncer à toute valorisation de lui-même, il devra séparer sa fonction de sa personne.
Il aura à faire le deuil d’un savoir pour l’autre.
Il devra penser à la fin de la relation art-thérapeutique.

 

Références :

RACAMIER Paul-Claude – Le génie des origines – Bibliothèque scientifique Payot – 1992.
ROYOL Jean-Pierre – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Éditions 2013.

Colloque sfpeat

Ce colloque m’a confrontée aux différentes façons de penser l’art-thérapie. J’ai pu entendre les différences de pratiques qui se situent dans un clivage, soit la pratique donne une croyance dans la production d’un objet artistique, soit la pratique est éclairée par les vertus de la rencontre où l’objet n’est qu’un prétexte.
J’ai pu, comprendre l’importance de bien dire et justifier notre métier et de situer notre place dans le champ du soin à la personne. Cette expérience invite à mieux dire notre pratique, à prendre position, à faire notre chemin dans la singularité.
De nombreuses conférences étaient centrée sur le choix d’un artiste et l’interprétation de leur oeuvre, ceci afin de mieux comprendre les processus psychiques en cours de création.
Cependant, je m’interroge parce que le patient en séance d’art-thérapie n’est pas en position d’artiste créateur d’une oeuvre. Aussi une interprétation d’œuvre ne peut être que subjective, même rendue par l’artiste lui-même, elle ne nous parlera de lui et seulement de l’instant où il a crée, à un moment précis.

Entretien avec Pierre Soulages

«J’ai toujours dit que c’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche » Pierre Soulages