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Le cadre de la séance d’art-thérapie

L’art-thérapeute crée un espace qui permet, par la conduite de son dispositif, de libérer l’imaginaire du patient. Il s’agit d’un cadre contenant, ainsi que du cadre interne de l’art-thérapeute, ce cadre interne est porté par le désir même de l’art-thérapeute. Ce désir est de rencontrer autrui en s’adressant à lui en tant qu’être singulier. L’art-thérapeute n’oublie pas que l’autre est quelqu’un et qu’il est présent dans sa position et son savoir-faire. L’art-thérapeute n’attend pas que l’autre produise quelque chose pour lui, son désir est de le voir s’exprimer librement. Il conduit son dispositif de façon à placer l’autre au centre de ses préoccupations. L’art-thérapeute accueille l’autre pour ce qu’il est, il attend, il module, il modèle pour recevoir ce qui peut advenir. L’art-thérapeute éveille et cherche le désir de l’autre qu’il accompagne et respecte, il aide l’autre à renouer avec ce désir. Pour cela, il ne programme jamais par avance la réponse de l’autre, il cherche le bon moment pour s’adresser à lui, il dose pour savoir ce qu’il doit lui proposer, il invente. Mais ce n’est pas tout. L’art-thérapeute s’interroge sur la forme de sa proposition ; la singularité de l’art-thérapeute prend en compte la singularité de celui à qui il s’adresse. L’art-thérapeute doit faire preuve de justesse, de finesse. Le dispositif doit s’apparenter au mot d’esprit, il doit produire du plaisir afin que le patient s’approprie le jeu, le fasse sien, provoque l’envie et le désir de poursuivre l’aventure. L’art-thérapeute doit savoir produire du plaisir de faire chez l’autre. La proposition de l’art-thérapeute tient lieu de lien, établit la communication, crée le sens de la rencontre, une rencontre poétique hors champs.

Le cadre de la séance
Le cadre de la séance

Référence :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.
Joël Dor – Introduction à la lecture de Jacques Lacan – Denoël – 2002.

Art-thérapie orientée par la psychanalyse, c’est quoi ?

Jean-Pierre Royol présente l’art-thérapie éclairée par la psychanalyse, il propose cette définition « L’Art-thérapie est une méthode qui consiste à créer les conditions favorables au dépassement des difficultés personnelles par le biais d’une stimulation des capacités créatrices. » Il ajoute qu’elle n’autorise aucune interprétation et respecte, en premier lieu, la liberté d’expression du sujet. Tout comme il l’indique dans sa définition, il s’agit de stimuler les capacités créatives, et non pas de créer une œuvre d’art. Qu’est ce que la créativité ? Je m’accorde avec la pensée de Racamier : vivre, c’est se créer. L’acte de créer mobilise toutes les ressources de la psyché et élargit l’espace du jeu et de la liberté, c’est dans cet espace que le sujet peut se mettre à l’œuvre. Racamier ajoute qu’on crée toujours pour soi, pour trouver ce qu’on n’a pas encore rencontré, ce qui rejoint l’idée même du trouvé-créé si chère à Winnicott.
L’art-thérapeute et le psychanalyste peuvent partager quelques outils. Le premier outil qu’utilise l’art-thérapeute est une nouvelle façon de penser l’autre, et de lui faire une juste place dans notre discours et dans les séances d’art-thérapie. L’art-thérapie emprunte un concept fondamental, le transfert, le déplacement de représentations subjectives sur la personne de l’art-thérapeute, traduit par un affect. Ces représentations indiquent les différents modes de relation du sujet avec ses objets, l’art-thérapeute porte le masque d’une autre représentation. Le transfert est un compromis entre désirs de nature différente, l’un actuel, l’autre inconscient. Le désir actuel est le masque du désir inconscient, le refoulement a condamné l’inconscient au masque. Le raté, le fantasmé est caché par le masque, on ne répète (le transfert est une répétition d’un acte refoulé) pas n’importe quoi. Tout le travail de l’art-thérapeute n’est pas de renvoyer le patient à cette réalité, mais d’accueillir, de faire avec le discours présent du patient. L’art-thérapeute accepte le jeu du transfert parce qu’il y a quelque chose qui se joue, il accepte le masque au nom de la vérité du sujet. L’art-thérapeute est lui-même renvoyé à son affect, il est mû par le contre-transfert. Le transfert du patient est induit par le contre-transfert de l’art-thérapeute qui dit son désir, l’art-thérapeute fait une offre et cela entraîne une demande.
Un autre outil que l’art-thérapeute va emprunter à la psychanalyse est l’emploi des entretiens préliminaires, ces premières séances qui permettent à l’art-thérapeute de cerner la demande du patient et conduisent au désir manifeste qui sera la dynamique même des séances. Tout le travail de l’art-thérapeute consiste à cerner le désir du patient, à proposer une ouverture sur lui-même, sur son désir et sur le monde qui l’entoure.
L’éthique du bien faire est présente en art-thérapie qui est aussi une éthique du désir. Mais que veut dire bien faire pour l’art thérapeute ? Bien faire ne veut pas dire chercher à séduire ou à plaire, ni vouloir rendre beau, l’art-thérapie ne cherche pas non plus à faire faire à autrui ce qu’il a à faire. L’art-thérapie respecte la personne dans son expression entière, son expression singulière. La séance art-thérapeutique permet à tout un chacun d’apprendre son symptôme, de l’accepter, de vivre avec, de nouer et dénouer des liens, de composer avec ce symptôme qui est au cœur même du sujet.
L’art-thérapie est une création, une co-création dans un espace de recherche, d’inventions, un espace de libre-pensée, d’envolées imaginaires. Un espace où se manifeste aussi le silence, l’intervalle qui offre une espace vide nécessaire au déploiement du désir.

Références :

JP. Royol – Art-thérapie – Au fil de l’éphémère – Dorval Editions 2013.
PC. Racamier – Le génie des origines – Bibliothèque scientifique Payot – 1992.
Winnicott Donald Wood – Jeu et réalité – Traduction JB Pontalis – Folio essai – 1971.

Soupe de lettres

Cette image d’une oeuvre d’Alexander Apóstol, m’interroge beaucoup.
Et vous ?
Les mots qu’on ne veut pas laisser échapper, ceux qu’on veut laisser échapper et qui ne sortent pas… Les mots des autres, et les nôtres. Les mots qu’on ne veut pas avaler, et ceux qu’on ne peut pas avaler …
Le personnage a la bouche masquée, est ce pour ne pas avaler ou pour ne pas vomir ses mots ?
Le mystère inconscient de la soupe des mots.

Alexander Apóstol. Soupe de lettres, 1997. Photographie sur toile, 120 x 160 cm.
Alexander Apóstol. Soupe de lettres, 1997. Photographie sur toile, 120 x 160 cm.

Lacan c’est qui ? Un huluberlu ?

Lacan n’est pas mort,
la création est un moyen de parvenir à l’immortalité symbolique, l’existence de Lacan se prolonge dans son oeuvre.
La pensée de Lacan est celle d’un « homme de divan », elle est construite sur son expérience. Il est bien dommage que la petite histoire ne retienne que ses frasques et autres traits peu communs, ces petits riens ( sa singularité) cachent l’essentiel.
Il a traduit l’essence de son travail dans des mathèmes et son langage est aussi très énigmatique, ses effets de style et de sens foisonnent, il est vrai de dire que ses propos sont difficiles d’accès. Pour le comprendre, il faut travailler, le lire et le relire, s’accrocher, ne pas perdre espoir, un jour, on commence à assimiler cette langue étrange.
La pensée lacanienne issue de la pratique de l’analyse et de la confrontation avec l’inconscient est révolutionnaire.
Dans son travail sur le stade du miroir, il aborde la construction de l’image de soi, le narcissisme et la naissance du moi. L’autre fait pour nous fonction de miroir, c’est grâce à lui que nous pouvons nous reconnaître. Ainsi, le sentiment de soi provient du dehors, et pour cette raison, l’individu est prisonnier de l’image de l’autre.
« L’inconscient est structuré comme un langage », le langage à un rôle capital dans la pensée lacanienne, il véhicule les demandes et les désirs. L’inconscient est l’ordre d’un savoir que le sujet véhicule mais qu’il ignore. Lacan dira que l’inconscient est « ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge : c’est le chapitre censuré. Mais la vérité peut être retrouvée le plus souvent déjà elle est écrite ailleurs ». À savoir dans le symptôme qui « montre la structure d’un langage et se déchiffre comme une inscription, qui, une fois recueillie, peut, sans perte grave, être détruite » ; dans les souvenirs d’enfance ; dans le vocabulaire qui nous est particulier ; dans les traditions qui véhiculent notre histoire… (Lacan – Fonction et champ du langage et de la parole en psychanalyse – texte présenté au congrès de Rome en 1953.)
Lacan représente ses concepts en jonglant avec les lettres. RSI pour les trois instances Réel, Symbolique et Imaginaire. Le Réel est défini comme l’impossible, il concerne les pulsions qui ne cessent d’insister pour se manifester. Le Symbolique, c’est la loi, le langage ce qui lie les êtres, ce qui fait qu’un nouveau-né s’inscrit d’emblée au sein d’une lignée. L’Imaginaire renvoie au moi, aux images de soi et de l’autre, l’image de l’autre nous sert de reflet où le moi se perçoit authentifié par la parole de l’autre. L’Imaginaire exclue le manque, il est sollicité dès qu’il s’agit d’éviter la confrontation au manque. RSI sont noués dans le psychisme et pour nous donner une évocation limpide, Lacan utilise le noeud borroméen.
A pour le grand Autre, défini comme le lieu de la parole, la matrice de tout désir. Quand le grand Autre prend corps, pour l’enfant, c’est la mère, c’est d’elle qu’il entend les premiers mots, c’est grâce à elle qu’il accède au statut de sujet désirant. L’Autre est celui dont je ne sais pas s’il me trompe ou s’il dit la vérité, je tente de répondre à ce que je suppose être sa demande, son désir est une énigme. L’Autre ne peut pas tout savoir, tout dire, tout avoir, alors Lacan mets une barre sur le Ⱥ. L’Autre est barré s’il est affecté d’un inconscient, le désir de l’Autre que j’interroge est à lui même inconscient.
Le sujet S peut aussi être barré $ : il y a du manque à être, l’individu vit dans l’incomplétude.
L’objet a figure l’objet perdu, la cause de tout désir, il est le manque fait objet, il ne peut pas avoir d’image spéculaire. L’objet a est cette chose insaisissable qui pousse en avant le sujet dans sa quête.

Jacques Lacan
Jacques Lacan